Présentation      

Cette rubrique regroupe des documents ayant trait à la Resistance

 

 
Codes de Communication      
Les passages qui suivent sont extraits de l'ouvrage "Résistance Normande et Jour J" de Raymond Ruffin, Edité aux Presses la Cité (1994).

[...] Ces plans sont au nombre de cinq :
Plan vert : Sabotage des voies ferrées .
Plan bleu: interruption de la distribution de l'énergie électrique.
Plan violet: coupure des transmissions téléphoniques aériennes et souterraines.
Plan Bibendum: ancien plan Tortue, blocage ou paralysie des unités de renfort.
Plan rouge: démarrage des actions de guérilla.

Le déclenchement de ces opérations était soumis à la diffusion par la B.B.C. de deux messages - codes lancés à J - 2 et à J-1.

Le premier,Les dés sont sur le tapis, ordonnait l'application des plans vert, violet et bleu. Le second:Il fait chaud à Suez, commandait les actions des plans Bibendum et rouge. D'autres messages s'adressaient particulièrement à certaines formations ou maquis. Citons-en quelques-uns qui se rapportaient aux missions qui leur étaient confiées:

L'appel du laboureur dans le matin brumeux.
Le coq chantera trois fois.
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux.
La sirène a les cheveux décolorés.
A la fin de l'envoi je touche.
La flèche perce l'acier.
C'est évidemment un tort.
N'êtes-vous pas fiers de vos aïeux?
Ma grand-mère avait déjà cent dix ans.
Les carottes sont cuites.
Mon cheval préfère la verdure.

Beaucoup d'autres phrases codes annonceraient les parachutages à venir:

Voici venir la Saint-Jean pour le maquis Surcouf.
Demain il sera trop tard pour les groupes francs de l'Orne.
Le cinéma ferme à minuit pour le réseau Hunter.
Avez-vous retrouvé vos amis? pour le maquis La Marseillaise.
Les poussins sont éclos pour le réseau Donkeyman.
Les enfants s'ennuient le dimanche pour le maquis d'Ecouves (Orne).

[...]
3 juin - Le message Verlaine: une confusion générale.

Ce soir, l'héliotrope sent la vanille.
Les chevaux sont sous les ordres.
La rosée annonce la pluie - deux fois.
Il faut savoir tourner la page, je répète, il faut savoir tourner la page.
La nuit, tous les chats sont gras.
Grand-père sera là ce soir, je répète, grand-père sera là ce soir.
Les sanglots longs des violons de l'automne.
La marquise perd souvent au jeu.

Sans enlever son casque d'écoute, le sergent Heinz Brunner note l'heure exacte sur son bloc puis inscrit à côté: "Quatrième passage ". Arrachant la feuille, il la tend par-dessus son épaule à son camarade Reichling pour rapport au lieutenant-colonel Helmuth Meyer.

Nous sommes à Tourcoing, au centre d'écoutes de la 15e armée allemande, et le sergent Brunner vient d'entendre le speaker de la B.B.C. prononcer pour la quatrième fois en deux jours la phrase annonciatrice du prochain débarquement.

Chaque fois noyée dans le flot des messages personnels, elle est la seule à avoir une signification précise pour les spécialistes du centre. Depuis des mois en effet ils en possèdent la clef. Qui la leur a fournie?
Les avis divergent sur les origines de cette fuite. Quelques historiens l'attribuent à Dericourt qui, en laissant le S.D. prendre connaissance du courrier des réseaux du S.O.E. qu'il avait mission d'acheminer, en serait responsable. Ainsi, le plan "Starkeyx' aurait-il eu un prolongement inattendu. Mais les Allemands après la guerre donnèrent une autre version qui nous paraît plus crédible:

Vers la fin de l'été 1943, en tirant toujours les fils de l'affaire Prosper, le S.D. parvint à remonter jusqu'au réseau Butler dont le responsable François Garel et son radio Marcel Rousset furent arrêtés. Comme d'habitude avec les radios, le Dr Goetz, spécialiste de la question, tenta d'utiliser Marcel Rousset. Mais l'homme était coriace; après différentes péripéties, il réussit à fausser compagnie à ses geôliers, non sans avoir tenté d'informer Londres de son arrestation. Goetz ne s'avoua pas battu, et il entama, avec l'aide d'un de ses agents, un Funkspiel (opération de radio consistant à faire croire à l'adversaire qu'il dialogue avec l'un de ses agents, alors que son interlocuteur est un ennemi) qui, pour une fois, trompa complètement la vigilance britannique.

C'est ainsi qu'il fut informé que la première strophe du poème de Verlaine, Chanson d'automne, annoncerait le débarquement. Le premier vers, les sanglots longs des violons de l'automne, mettrait la Résistance en alerte, le second: Bercent mon coeur d'une langueur monotone, déclencherait les opérations de guérilla (messages A et B). C'est là que commence la confusion, car ces messages étaient uniquement destinés au réseau Butler et Goetz les interpréta comme un signal général à toute la Résistance. Il en informa aussitôt tout le commandemant allemand.

Mais, soit par méfiance, soit par mesure de prudence, le 16 novembre 1943 le S.O.E. bouleversa sa grille de messages en les renouvelant. Le premier vers de Verlaine disparut donc des tablettes, sans que Goetz décèle cette manoeuvre.

Le second volet de la confusion tient de l'incroyable. Alors que tous les messages antérieurs avaient été rayés des grilles -on n aurait donc jamais dû entendre la strophe de Chanson d'automne -, un opérateur l'utilisa pour un autre réseau, "Ventriloque ", qui oeuvrait en Loir-et-Cher. Négligence? Insouciance? Trahison?
L'enquête ultérieure ne prouva rien, bien que le Brigadefuehrer Walter Schellenberg, chef du bureau militaire du R.S.H.A. et responsable du contre-espionnage nazi, ait affirmé en 1946 que le responsable en était l'un de ses agents infiltré au S.O.E. Ce que les Britanniques ont toujours nié. Quoi qu'il en soit, le résultat est qu'à quelques jours du débarquement, les Allemands peuvent en déterminer la date.